Extraits du volume
Colloques (1945-1947)
(Jésus barbu
est le Père spirituel de Van, le Père Antonio
Boucher, C. Ss. R.)
[3-4]
Jésus : Depuis quelque temps, n'est-ce
pas que tu éprouves beaucoup de sécheresse en
allant communier ? [4] Accepte cela de bon cœur, c'est
ma volonté. Tu penses sans doute que les moments de ferveur
sensible, employés à converser familièrement
avec moi, sont les seuls où tu puisses recevoir mes faveurs
; pas du tout. Ecoute-moi bien, afin que tu n'ailles pas pousser
de longs soupirs, quand le dégoût se fait sentir.
Pour t'accorder mes faveurs, je ne tiens nullement compte de
ton état de sécheresse ou de ferveur ; tout ce
que je réclame, c'est la confiance en moi, et cet amour
constant qui même en face de la difficulté sait
garder courage et rester inébranlablement fidèle
au Bien-Aimé...
[5]
Jésus : Toute petite épouse de
mon amour, veux-tu conduire à mon amour un grand nombre
d'âmes ? N'oublie pas que ce sera au prix de grandes souffrances.
Je t'ai choisi pour être la mère des âmes
; or c'est à force de souffrances que la mère
parvient à faire de ses enfants des personnes de valeur...
[8]
Jésus : Petit ami de mon amour, quand
je contemple ton âme, je suis ravi de sa beauté.
Quel nom veux-tu que je lui donne ? Je l'appellerai : "Ma
petite fleur". Et cette petite fleur, je la réchaufferai
au soleil de l'amour, et je ferai descendre sur elle la rosée
de la grâce. Ô ma petite fleur, exhale ton parfum
devant mon trône. Quand je te contemple dans ta fraîcheur,
quelle joie pour moi, et comme je désirerais que toutes
les âmes soient semblables à la tienne.
[12-15]
Jésus : [12] Ecris maintenant ces paroles
auxquelles je tiens beaucoup : « Dès qu'une âme
possède un peu de véritable amour pour moi, elle
attire à elle tout le feu de l'amour qui brûle
dans mon cœur, et ainsi transformée en un foyer
ardent elle en sera consumée et purifiée... Elle
devient alors si intimement unie à mon amour qu'elle
ne forme plus qu'un seul cœur avec moi... Impossible donc
de me séparer jamais de ce cœur si étroitement
soudé au mien. Peux-tu comprendre, mon enfant, l'immense
amour que je porte à ces âmes !..."
Ô mon "petit apôtre"! C'est parce que
je t'aime que je te donne ce nom de petit apôtre ; les
paroles que je te dicte sont destinées uniquement aux
petites âmes qui s'abandonnent totalement à ma
volonté, et qui jamais ne consentent à s'éloigner
de moi... Ces paroles, je te le répète, il n'y
a que les âmes humbles et simples [13] qui soient capables
de les comprendre... Plus tard, d'autres âmes feront comme
toi l’œuvre que je leur confierai ; elles se succéderont
sans interruption, et je les appellerai elles aussi mes "petits
apôtres, les apôtres de mon amour". Ce nom,
je le réserve aux âmes qui écouteront les
paroles que tu écris ici ; ce sont mes paroles, et elles
profiteront aux âmes qui les écoutent...
Plus tard, tu verras, j'aurai toute une armée d'apôtres,
et tout ce que je leur enseignerai, ce sera de m'aimer comme
tu m'aimes toi-même. Mais il faut quelqu'un qui me serve
d'intermédiaire... Tu seras donc cet intermédiaire,
n'est-ce pas ? Mon "petit apôtre", est-ce que
tu acceptes ce rôle ? Il te suffira d'écrire mes
paroles, et ensuite il y aura d'autres apôtres qui les
feront mettre en pratique par tout le monde. Ainsi donc, ton
œuvre sera accomplie, et mon amour se propagera... Dans
le cas contraire, mon amour s'éteindra chez les hommes...
(…) Rien de plus beau que de faire la volonté de
celui qu'on aime... Accepte donc de faire ma volonté.
Mon enfant, je te prends dans mes bras, je t'élève
au niveau de mes lèvres et je te donne un baiser. Voyant
ton âme brûler d'amour pour moi, je me sens hors
de moi-même, et mon seul désir est de voir beaucoup
d'âmes m'aimer aussi comme toi...
(…) Il y a encore beaucoup de choses que tu devras écrire
et que je te dirai plus tard... Petit apôtre de mon amour,
les paroles que je te dicte ici, est-ce que tu les trouves belles
?... Quant à moi, je les trouve très belles, car
elles proviennent d'un Cœur débordant d'amour.
[15]
Jésus : Le travail que je t'ai confié,
fais-le vite, car je ne te laisserai pas longtemps sur cette
terre d'exil. Par conséquent, tout ce que tu as de temps
libre consacre-le à écrire mes paroles. Quand
tu auras du temps, je te parlerai et je le ferai aussi longtemps
qu'il te sera possible d'écrire... C'est seulement après
que je t'aurai appelé à moi que le monde pourra
connaître les paroles que je t'ai demandé d'écrire,
et les mettre en pratique...
Petit apôtre de mon amour, patiente encore un peu de temps
et tu goûteras la joie de reposer dans mes bras. Tu pourras
alors me manifester tes sentiments en toute liberté ;
ce ne sera plus comme maintenant.
Père Antonio Boucher : D'abord, j'ai
été profondément touché de l'incroyable
familiarité et de la tendresse dont le Frère Marcel
a été l'objet de la part de ses interlocuteurs
célestes. D'autre part, sa vie exemplaire, sa limpidité
d'âme, sa parfaite obéissance à son directeur
et sa générosité en face du sacrifice me
donnent un préjugé favorable, touchant sa véracité,
et l'authenticité de ces communications, cela évidemment,
avec toute la réserve qui s'impose, ne voulant en rien
anticiper sur le jugement final, qui revient de droit à
la Sainte Église.
[19] 22 octobre 1945
Père Antonio Boucher : Pour éprouver
l'obéissance du Frère Marcel, je lui ai demandé
de ne plus écrire les paroles qu'il disait recevoir de
Jésus. Il m'a remis aussitôt les petites feuilles
qui lui servaient à faire ses écritures. Après
deux semaines, j'ai levé cette défense, et il
a continué, à partir du 22 octobre.
Marcel : [19] Jésus me parle de nouveau...
Jésus : Mon enfant, est-ce que ta tristesse
est maintenant passée ? Puisque ton directeur te permet
de reprendre tes écritures, je continue à te parler
pour que tu écrives.
[22-23]
Jésus : Mon petit ami, accepte donc
la souffrance avec joie. Chez mes apôtres et mes épouses,
il n'y a rien qui ne me plaise ni me comble de joie autant que
l'acceptation joyeuse de la souffrance par amour. Si donc tu
veux me faire plaisir, agis toujours ainsi, et moi, [23] je
t'aiderai, et tu n'auras pas à craindre que je t'abandonne
jamais.
Marcel : Jésus, viens à mon aide
; je veux travailler avec joie par amour pour toi.
[25-28]
Marcel : Mon Jésus, j'ai entendu aujourd'hui
le Père Maître demander des prières pour
les prêtres, disant que certains prêtres semblent
avoir perdu la foi... Comment un prêtre peut-il perdre
la foi ? Car sans la foi, il est impossible de t'aimer, impossible
aussi de te sauver des âmes. Comme cela doit te rendre
triste, Jésus. Que pourrais-je faire pour te consoler,
et quel moyen employer pour que ces prêtres deviennent
des prêtres utiles à la sainte Eglise ? C'est bien
étrange ; pourquoi existe-t-il actuellement un tel désordre
chez le clergé ?
Jésus : Mon enfant, petit apôtre
de mon amour et mon petit ami, est-ce que tu m'aimes ? Ce que
tu comprends au sujet des prêtres est bien peu de choses.
Si je te faisais voir la peine que me causent tous les jours
les prêtres par leur conduite envers moi, peut-être
me demanderais-tu de châtier sur-le-champ ces prêtres
malheureux... Apôtre de mon amour, tâche de prier
et de t'imposer des petits sacrifices pour consoler mon Cœur
si aimant. Prie aussi pour que le temps que j'accorde à
ces prêtres, dans l'espoir qu'ils reviennent à
moi, se prolonge encore un peu, et qu'ils en profitent pour
se convertir. Ô mon petit enfant, si les prêtres
eux-mêmes sont en révolte contre moi, auprès
de qui mon amour ira-t-il chercher un peu de consolation ? Prie
pour que les prêtres soient remplis de zèle pour
moi ; demande que chaque jour ils se rapprochent davantage de
moi, pour consoler mon amour et me protéger des blessures
que m'infligent les mauvais prêtres. Ô mon petit
apôtre, il me faut des apôtres remplis de zèle
pour moi ; c'est uniquement grâce à eux que je
serai arraché des mains de ces prêtres et que ces
derniers pourront être ramenés à mon amour.
Prie donc, mon enfant, prie comme si tu avais à subir
toi-même mon malheureux sort. Ô mon petit ami, tout
ce que je te demande, c'est de me faire l'aumône ; et
cette aumône, quelle qu'elle soit, offrande ou parole,
si elle est faite dans l'intention de me consoler, je l'accepterai
de bon cœur...
Petit apôtre de mon amour, c'est maintenant l'obscurité
; mais puisque tu as une lampe, je te demande de faire un effort
pour écrire encore ce qui suit :
Pour échapper aux traits que me lancent les pécheurs,
je vais me réfugier chez les prêtres, j'implore
leur secours, puis leur faisant connaître mon malheureux
sort, je les prie de consoler mon amour délaissé.
Hélas ! Il s'en trouve parmi eux qui me traitent sans
façon et me mettent à la porte, signifiant par
là qu'il ne convient pas que je leur manifeste mon amour,
et que mes paroles d'amour sont exagérées. Par
une telle conduite, il se fait que les âmes qui leur sont
confiées perdent confiance en moi. Petit apôtre
de mon amour, rien ne me perce le cœur comme de voir qu'on
perd confiance en moi. Devant pareille situation, je dois me
retirer dans les petites âmes, et une fois installé
chez elles, je les reconnais pour mes épouses, je les
prends à mon service et leur confère la dignité
de mère des âmes que je veux sauver. Je leur donne
des marques d'amour, je leur fais même connaître
mon malheureux sort... Ô mon petit ami, je trouve aussi
dans ces âmes beaucoup de consolations sous divers rapports.
Petit apôtre de mon amour, fais connaître à
ton directeur combien je souffre de la conduite des prêtres
et demande lui de me consoler dans mon amour pour tous les prêtres.
Demande-lui de t'aider dans l'œuvre que je te confie, et
moi-même je me joins à toi pour appuyer ta demande...
Je lui demande encore de prier pour que les autres directeurs
comprennent clairement l'amour que je porte aux âmes confiées
à leurs soins.
[31]
Jésus : C'est grâce à Marie
que mes épouses peuvent s'unir à mon amour de
façon intime et durable. Mon petit ami, ne l'oublie jamais
: Tu dois aimer ma Mère tout comme je l'aime moi-même.
[33]
Jésus : L’âme qui brûle
intérieurement du feu de mon amour est toujours à
mes yeux toute blanche de pureté.
[32-33]
Marcel : Mon Jésus, est-ce qu'il t'arrive
parfois d'être triste à cause de moi ?
Jésus :
Mon enfant, si jamais cela arrive, c'est uniquement lorsque
je te vois triste. Quand tu es joyeux, comment pourrais-je être
triste ? Sois donc toujours joyeux, n'est-ce pas ? Une seule
de tes joies suffit pour me consoler beaucoup.
[35 à 37] Heure sainte du 28 octobre 1945
Jésus : Il n'y a pas que les pécheurs
à agir ainsi ; même parmi mes épouses, il
s'en trouve qui me traitent de la même manière.
C'est là pour moi un sujet de grande amertume, puisqu'il
s'agit ici de quelqu'un que j'aime d'un amour particulier...
Au moment où je te parle, m'arrive précisément
le message de l'une de mes épouses. Permets que je te
le lise, n'est-ce pas ?
Épouse : Seigneur, il y avait un bâton
à portée de ma main, mais j'étais comme
aveuglée, ne voyant pas que tu étais près
de moi ; alors j'ai saisi le bâton et t'en ai donné
un coup. Pardonne-moi, Seigneur.
Jésus : Il y a ici au moins une chose
qui me console, c'est que cette âme "mon épouse"
a encore confiance en moi et se repent de sa faute. Si au contraire
elle allait se décourager, quelle tristesse ce serait
pour moi. Prie pour que les hommes en grand nombre soient animés
d'une confiance inébranlable en mon amour. Si, chez un
pécheur, je trouve encore le mot confiance, ce pécheur
m'appartient déjà. Mon enfant, je continue à
te parler des nouvelles de tous les jours ; écoute-moi
n'est-ce pas ?
Marcel : A propos, Jésus, que signifie
le bâton dont tu as parlé ?
Jésus : Le bâton, c'est l'occasion
de péché. Saisir l'occasion pour commettre le
péché, c'est me frapper. Est-ce que tu comprends
?
Marcel : Oui, je comprends. Cependant, Jésus,
parce que tu parles en figure, je trouve cela un peu difficile.
Oh ! Il y a un instant, je me demande pourquoi j'étais
si triste. Je croyais que tu étais de nouveau absent.
Pourtant je n'ai pas pleuré ; je souriais, mais parfois
mon sourire était accompagné de quelques larmes...
Jésus : Mon enfant, écoute bien
ce que je te dis ici. Cette affaire est l'affaire de ton directeur
et non la tienne ; tu n'as pas à t'en préoccuper.
(Réponse à quelques questions du F. Marcel, mais
non écrites.)
En ce moment-là, sais-tu comment je réponds aux
pécheurs ? Calmé par les paroles de mes épouses,
paroles d'amour qui retentissent à mes oreilles, au lieu
de répondre aux pécheurs par des menaces de châtiment,
je leur réponds avec douceur et amour. Et les grâces
que je leur accorde alors sont précisément les
grâces envoyées par mes épouses et que j'ai
accumulées dans mon cœur. Quant à la blessure
qui m'a été infligée par les pécheurs,
chacune de mes épouses en reçoit sa petite part
; aux unes j'envoie des souffrances extérieures, aux
autres des peines intérieures... etc. Mais quand j'ai
envoyé à une épouse des peines intérieures,
c'est un signe qu'elle a pour moi un plus grand amour. Mon petit
enfant, as-tu compris ? Quand je t'envoie des souffrances intérieures
ou extérieures, accepte-les avec joie, n'est-ce pas ?
Il ne faut pas t'attrister d'avoir à endurer la tristesse.
Marcel : Jésus m'a dit encore beaucoup
d'autres choses mais j'ai tout oublié ; heure sainte
du 28 octobre 1945.
[45]
Marcel : Ô mon Jésus, pourquoi
suis-je si joyeux aujourd'hui ? Je suis tellement joyeux, qu'il
m'est impossible de continuer à écrire l'histoire
de ma vocation. Dès le moment où j'ai donné
à ma sœur sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus
le nom de "sœur" j'ai été envahi
d'une telle joie, qu'il m'était impossible de tenir ma
plume d'une main ferme pour écrire. Cette joie a duré
toute la journée, sauf après la sieste où
j'ai ressenti un léger mal de tête qui a disparu
immédiatement.
Aujourd'hui, est-ce que mes frères et sœurs (les
saints et les saintes) sont descendus du ciel pour me donner
des baisers ? Ce matin, ô Jésus, avant de prendre
part à ton banquet eucharistique, je les ai tous invités
à se joindre à moi pour que la fête soit
plus joyeuse. Et voilà que, après t'avoir reçu
dans mon âme, je ne savais pas du tout quoi te dire. Alors
les saints et les saintes ont tous pris la parole, si bien que
mon tour venu, l'heure était déjà passée.
D'ailleurs, même s'il eût resté du temps,
je n'aurais pas su du tout quoi te dire, puisque tout ce que
je m'étais proposé de dire, ils l'avaient déjà
dit avant moi... Il est bien vrai que le sort du plus jeune
est de le céder toujours aux autres. Tu me comprends,
n'est-ce pas, Jésus ?
[48]
Jésus : Mon petit apôtre, que
cela ne t'attriste pas. Reconnais que ce qu’on pense et
dit de toi est tout à fait exact ; car de fait, vu que
tu dois remplir la fonction de mère des âmes, il
faut que tu te retires dans ta chambre pour écrire les
paroles que leur adresse ton Bien-Aimé... Ne pleure pas.
Ce qu'on pense de toi ne t'empêche pas de m’aimer.
Extérieurement, je dois cacher la beauté de la
fleur aux yeux du monde, car si le monde en connaissait la beauté,
quel éclat garderait-elle encore à mes yeux ?...
Oui, je dois pour le moment la tenir cachée ; ce n'est
que plus tard que je la ferai voir au monde pour qu'il la connaisse
et la convoite. Ainsi elle attirera à moi un plus grand
nombre d'âmes...
[49-50]
Jésus : Mon enfant, prépare ton
âme à l’épreuve. En ce moment, je
te presse encore dans mes bras, je te couvre de baisers ; mais
viendra un temps où je devrai m’éloigner
et permettre que les confrères te fassent souffrir. Tu
pleureras beaucoup ; et si après avoir épuisé
toutes tes larmes, tu ne vois mon ombre nulle part, aie le courage
de m’attendre, te rappelant qu’à ce moment-là
même je travaille à gagner le cœur des prêtres...
O mon enfant, accepte que je m’absente pour quelque temps,
n’est-ce pas ? C’est cette absence, occasion de
souffrance pour toi, qui témoignera de la vérité
de mes paroles et procurera le bien des âmes.
[60]
Jésus : Tu diras : Ô Jésus,
mon amour, je souhaite que le règne de ton amour vienne
sans tarder dans le cœur des prêtres afin que les
âmes aient part au bonheur de la paix qui s’ensuivra.
[61]
Jésus : Mon enfant, je te donne des
baisers, je pense à toi à chaque instant, je perçois
chacun de tes pas, chacune de tes paroles, chacun de tes sourires
accompagnés de larmes. Mon enfant, donne-moi un baiser
; quant à moi, je ne cesse de t’en donner sans
jamais me rassasier.
[69]
Jésus : Chaque fois que j’entends
sortir de ta bouche les mots « Jésus, je t’aime
» je ne puis que te répondre par un baiser d’amour.
[73]
Jésus : Les âmes qui m’aiment
doivent être considérées comme autant d’atmosphères
saines qui permettent à mon amour de respirer et de vivre
dans le monde.
[81-83] 10 novembre 1945
Jésus : [81] Ô ma petite fleur,
écris aujourd’hui seulement ce qui suit... Les
petites fleurs très délicates, il suffit d’un
vent tant soit peu violent pour les coucher par terre ; et dans
l’impuissance où elles se trouvent de redresser
elles-mêmes leur corolle, elles doivent attendre que le
jardinier vienne les relever... Ô ma petite fleur, sache
que j’aime plus que les autres ces fleurs délicates.
Toujours je suis auprès d’elles pour les caresser
et les soutenir ; ou s’il leur arrive de tomber, elles
ne peuvent tomber ailleurs que dans ma main, et là, quoiqu’elles
fassent, il leur est impossible de se soustraire au baiser de
mes lèvres. Et même si alors mes lèvres
devaient être souillées par la boue qui adhère
à la fleur, je n’hésiterais pas à
me pencher pour donner ce baiser à cette frêle
fleur de mon amour.
Marcel : Et moi, ô mon Jésus,
à quelle catégorie de fleurs j’appartiens
?
Jésus : [82] Toi, mon enfant, tu vois
bien que je t’appelle toujours du nom de petite fleur.
Tu appartiens donc à la catégorie de mes petites
fleurs, et de fait tu es une fleur bien fragile : le moindre
coup de vent suffit à te coucher à mes pieds.
De là que je n’ose jamais m’éloigner
de toi. N’est-ce pas là un avantage pour toi ?
C’est précisément à cause de ta faiblesse
que tu es de ma part l’objet d’un plus grand amour,
et que mes lèvres sont toujours prêtes à
te couvrir de baisers. Mais tu es bien faible, si faible, que
tu ne peux même pas supporter mes baisers. Ô ma
petite fleur, souviens-toi toujours que tu ne dois jamais t’attrister
de ta faiblesse. Et si grande que soit cette faiblesse, reste
toujours en paix, croyant que jamais mon amour n’aura
le courage de s’éloigner de toi, ma petite fleur.
Marcel : A propos, ô mon Jésus,
mardi prochain, c’est la fête de saint Stanislas.
Or ce jour-là, chaque novice doit donner un chant à
la salle commune. Je ne sais vraiment où je pourrais
bien trouver un chant. Je te laisse donc le soin de t’en
occuper comme tu voudras, d’autant plus que j’ai
déjà tes paroles à transcrire. Autrefois,
[83] je connaissais un très grand nombre de chants, mais
actuellement, j’ai oublié toutes les paroles, je
ne me rappelle plus que la mélodie, et encore ma voix
est loin d’être aussi belle qu’auparavant.
Mon Jésus, je te demande donc de me donner un chant pour
ce jour-là, et de permettre à ma sœur Thérèse
de l’Enfant-Jésus de chanter avec moi. Quant à
toi, tu battras la mesure. Je suis certain que ton chant sera
très beau, ce jour-là ; et quand tu entendras
les deux fleurs exécuter ce chant, tu ne pourras sans
doute pas t’empêcher de rire. Mais pour que cela
réussisse, il faut que tu me délivres d’abord
de ma gêne. Mon Jésus, l’heure est passée...
demain, quand j’aurai du temps, tu m’apprendras
ce chant, n’est-ce pas ? Je t’aime beaucoup, beaucoup,
je t’aime par-dessus toute chose... Mon Jésus,
je...