Le Royaume de Dieu vous sera retiré pour être
confié à un peuple qui lui fera produire ses fruits.
» (Mt
21,43)
Les origines
- Celtes et Gaulois
Les Celtes, issus des Indo-européens,
commencent à infiltrer la Gaule entre 1600 et 1300 av. J.-C.
Entre 1000 et 500 av. J.-C., la civilisation de Hallstatt (premier
âge du fer) se propage dans toute la Gaule, suivie à
partir de 500 av. J.-C., par la civilisation de la Tène (deuxième
âge du fer) dans le sud et l'ouest de la Gaule.
Ne connaissant pas d'unité politique, les Celtes sont constitués
d’une myriade de peuples possédant des lois, des coutumes
et des rites différents. Ce qui reste invariable dans cette
multiplicité de formes politiques, c'est le droit d'élection
et la domination du pouvoir religieux des druides. C’est l'esprit
d'indépendance qui empêche cette théocratie
fédérative d'arriver à l'unité. Par
la conquête de la Gaule, Rome fera son éducation politique
en lui communiquant des habitudes d'ordre et de discipline.
Le caractère des Celtes avait fait naître dans le monde
gréco-romain une curiosité mêlée de terreur,
devant cette race guerrière, mobile et cruelle, aimant la
gloire et l’aventure, méprisant la mort, aimant parler
avec esprit et se battre avec courage. La vertu guerrière
de la race celtique excitait l'admiration du monde ancien et leur
renom universel de bravoure faisait dire à Tite-Live que
le courage des Gaulois semblait dépasser les limites de la
nature humaine.
L'histoire des Celtes est marquée par
une succession de conquêtes et de migrations qui les mènent
jusqu'en Asie mineure. Du XIIe au IIe siècle av. J.-C., ils
sillonnent la terre en tous sens et remplissent l'ancien monde du
fracas de leurs armes. Ils envahissent l'Espagne et la Germanie,
occupent la haute Italie, brûlent Rome, ravagent la Macédoine
et la Thrace, forcent les Thermopyles, pillent Delphes, assiègent
Carthage et fondent un royaume au cœur même de l'Asie.
Les plus grands hommes de guerre les rencontrèrent : Alexandre
admira leur fierté ; Pyrrhus et Annibal les appelèrent
à leur secours, l'un pour les associer à ses aventures,
l'autre pour les entraîner dans une ligue générale
contre Rome.
Au IIe siècle av. JC, les Celtes d'Espagne
passent sous domination romaine. Aux IIe et Ier siècles avant
notre ère, les Celtes de Gaule sont soumis à la pression
conjuguée des Germains à l'est et des Romains au sud.
Les habitants des Gaules sont appelés Gaulois par les Romains.
En 124 av. JC, à la suite d'un appel à l'aide de Marseille
menacée par les peuplades celtiques voisines, Rome occupe
une partie méridionale de la Gaule, créant ainsi la
province Narbonnaise.
Avant la conquête des Gaules, les peuples celtes qui les habitent
sont répartis comme l’indique la carte ci-dessus.
Entre 58 et 50 av. JC, Jules César, général
romain, envahit la Gaule toute entière. La conquête
par les Romains est rapide sur le plan militaire, mais beaucoup
moins sur le plan de la civilisation qui va devenir lentement Gallo-Romaine.
Entre le Ier et le IIIe siècle, la Gaule
romaine est organisée en provinces qui recouvrent alors la
France, la Suisse, la Belgique et l'Allemagne occidentale.
La religion
des Celtes
Qu’en est-il de la religion des Celtes avant
l’arrivée du christianisme ? Il faut distinguer la
religion celtique originelle du système religieux que le
christianisme rencontra à son entrée en Gaule, au
milieu du Ier siècle, période où les Celtes
avaient associé les dieux de Rome à leurs vieilles
divinités celtiques.
Avant la conquête romaine, la religion les Celtes s’appuyait
sur les druides, philosophes spiritualistes, physiciens et naturalistes.
On leur confiait l’enseignement de la jeunesse noble et ils
arbitraient la plupart des conflits publics ou privés. Chargés
des pratiques religieuses, ils organisaient les sacrifices offerts
aux dieux. Ils prédisaient l’avenir et connaissaient
les vertus merveilleuses des plantes. Ils se transmettaient leur
doctrine oralement, car les écrits la concernant étaient
interdits. Cela explique le peu d'écrits que nous avons sur
cette période de notre histoire.
La théologie druidique reposait sur le polythéisme
(avec prédominance d’un dieu suprême au-dessus
des autres) et l’immortalité de l’être.
La croyance des Gaulois à la vie future était fortement
enracinée en eux. Par exemple, ils se prêtaient de
l'argent qui ne devait être remboursé que dans l'autre
monde. Cela montre qu’ils pensaient vivre dans l’autre
monde une sorte de continuité de la vie présente.
Mais ce peu d’attachement à la vie pour soi-même
et pour autrui se retrouvait dans leur religion car, selon les auteurs
antiques qui les ont beaucoup relatés, ils croyaient nécessaire
de faire des sacrifices humains pour apaiser la justice divine.
Ils immolent aux dieux les prisonniers et les condamnés de
droit commun ; le sacrifice des innocents n’est pratiqué
qu'en cas de nécessité. Ce sont les Romains qui mirent
un terme à ces pratiques.
La conquête de la Gaule par les Romains introduisit de nouveaux
éléments dans l'ancienne religion des Gaulois. Au
Ier siècle ap. J.-C., la religion romaine devient officielle.
Dès lors, les druides n'ont plus leur place et sont peu à
peu éliminés par les Romains. En déifiant la
nature, le druidisme en personnifiait les éléments.
Ce naturalisme polythéiste se laisse donc gagner sans trop
de peine par le polythéisme des races grecques et latines.
C'est dans cette société gallo-romaine que les missionnaires
de l'Évangile vont planter le drapeau de la foi.
L’arrivée
du christianisme en Gaule
1 - Tradition et critique
Les idées inspirées au cours du XVIe
siècle par la Renaissance et la Réforme, qui «
remettent en cause les acquis antérieurs », font que
la Tradition concernant l’évangélisation de
la Gaule au Ier siècle, qui était jusque-là
crue sans être discutée, va commencer à être
remise en question. Puis le protestantisme, le jansénisme,
le voltairianisme et le rationalisme vont achever de rendre le sentiment
commun propre à la discréditer, y compris chez nombre
de catholiques et cela jusqu’au XIXe siècle.
C’est en effet au cours du XVIIe siècle que cette tradition
est traitée de légende, que des "esprits sensés"
ne peuvent plus croire. Le chef de file des "savants contestataires"
est Jean de Launoy (1603-1678), prêtre augustinien, historien
et théologien janséniste, qui s'oppose à l'Eglise
et finit par se faire exclure de la Sorbonne dont il était
docteur. On l’appelait "le dénicheur de saints"
parce qu'il vérifia les légendes de nombreux saints
qui, selon lui, figuraient à tort dans les martyrologes.
Launoy publie en 1641 un volume en latin contre la Tradition, «
De commentitio Lazari et Maximini Magdalenae et Marthae in Provinciam
appulsu dissertatio », qui fait beaucoup de mal à celle-ci.
Cela fait qu’au XVIIIe siècle la Tradition de l’évangélisation
de la Gaule au Ier siècle était reléguée
parmi les fables et qu’au XIXe siècle il était
devenu couramment admis que cette Tradition était fausse
et que l’évangélisation n’avait commencé
qu’au IIIe siècle.
Il fallut attendre le milieu du XIXe pour que de nouveaux érudits
viennent réhabiliter l’ancienne Tradition. Le plus
éminent d’entre eux est sans doute l’abbé
Faillon avec son ouvrage qui fit référence
: « Monuments inédits sur l'apostolat de sainte Marie-Madeleine
en Provence ». L’abbé Étienne-Michel Faillon
(1799–1870) était prêtre sulpicien, historien
et professeur. Dans son livre en 2 tomes, extrêmement complet
et documenté, véritable travail de bénédictin,
il démonte un à un les arguments de Launoy et apporte
des preuves nouvelles et certaines de l’authenticité
de la Tradition.
Les lecteurs souhaitant approfondir le sujet et
au-delà pourront se reporter aux liens suivants :
Extrait du tome 141, pages 150 à 154,
du journal ecclésiastique « L’Ami de la Religion
», édition 1849, Critique sacrée sur l’apostolat
de Sainte Marie-Magdeleine par l’abbé Paulin du Chêne,
directeur du petit séminaire de Paris : http://www.google.fr/books?id=5YUPAAAAIAAJ&pg=1#PPA150
« L’histoire Universelle de l’Eglise Catholique
», tome IV, pages 479 à 488, édition 1857 par
l’abbé Rohrbacher, professeur d’histoire ecclésiastique
au grand séminaire : http://www.google.fr/books?id=TWqskRfhTt8C&pg=PA479
« Saint Irénée et l’éloquence
chrétienne dans la Gaule », pages 40 à 81, édition
1861, Les premiers apôtres de la Gaule par l’abbé
Freppel, professeur à la faculté de théologie
de Paris :
http://www.google.fr/books?id=Ca0GAAAAQAAJ&pg=1#PPA40
Notons que cette Tradition, ainsi réhabilitée,
est rendue parfaitement crédible par la mémoire des
Eglises locales et les nombreux miracles observés par des
générations de pèlerins en différents
lieux de Gaule, puis de France.
L'histoire chrétienne de la France commence donc vers l'an
43 après Jésus-Christ, avec l'arrivée des proches
de la sainte Famille, qui eurent l’honneur d’être
les premiers évangélisateurs de la Gaule. C’est
aussi l’époque où Pierre, le premier pape, s’installe
à Rome et envoie en Gaule les premiers évêques.
La tradition Provençale dit qu’une
embarcation venant de Judée a accosté en Camargue,
près du lieu actuel « Les Saintes-Maries de la Mer
» (non loin de Marseille). Pour se débarrasser des
témoins embarrassants de la divinité du Christ, on
avait jeté à la mer, dans une barque sans pilote,
sans gouvernail et sans voile, les amis intimes de Jésus.
Mais Dieu lui-même gouverna la fragile nacelle et la fit aborder
en Gaule sur la côte de Provence.
A son bord se trouvaient :
-
saint Lazare, le ressuscité de l’Evangile,
-
ses sœurs : ·
sainte Marthe de Béthanie,
· sainte
Marie-Madeleine (Marie de Béthanie et de Magdala),
-
saint Maximin, un des 72 disciples du Sauveur,
-
saint Sidoine, l'aveugle né de l'Evangile que le Seigneur
a guéri,
-
les saintes-Maries :
·
Marie Jacobé, belle-sœur de la Sainte Vierge, femme
de Cléophas et mère de Jacques le Mineur,
· Marie Salomé,
petite cousine de la Sainte Vierge, épouse de Zébédée
et mère de saint Jacques le Majeur et de saint Jean l’évangéliste,
-
quelques disciples amis de la famille.
Enfin, les saintes-Maries apportèrent aussi avec elles le
corps de sainte Anne, mère de la Sainte Vierge, que Marie
leur avait elle-même confié.
C'est saint Auspice, premier évêque
d'Apt à la fin du Ier siècle, qui devint le gardien
des reliques de sainte Anne. Son corps, caché au temps des
invasions, fut retrouvé sous le règne de Charlemagne.
On en vénère encore une partie dans l'ancienne cathédrale
d'Apt. La plupart des reliques de sainte Anne furent dispersées,
en particulier à Auray en Bretagne, où sainte Anne
est honorée car elle apparut, de 1623 à 1625, à
un pieux paysan appelé Yves Nicolazic du village de Keranna
(qui veut dire Sainte-Anne). Sainte-Anne lui demanda la construction
d’une chapelle qui devint plus tard le sanctuaire de Saint-Anne
d'Auray. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30739j/f45.item http://www.sainteanne-sanctuaire.com/
Les parentes de la Sainte Vierge, Marie Jacobé et Marie Salomé,
restèrent sur les lieux de leur débarquement, aux
Saintes-Maries de la Mer. Elles y convertirent peu à peu
tout le delta du Rhône. http://www.saintsdeprovence.com/les-saints/les-saintes-maries/
Sainte Marie-Madeleine partit en direction de l’Est, vers
Aix et Marseille, avec son frère saint Lazare, qu’elle
assista un temps dans son apostolat. Elle alla ensuite passer trente
années seule dans une grotte du massif de la Sainte-Baume,
au nord de Toulon, à quelques kilomètres du village
aujourd’hui nommé « Saint-Maximin ». C’est
là qu’elle finit ses jours.
Aujourd’hui, une relique de Marie-Madeleine est conservée
au cœur de Paris, à l’église de «
la Madeleine ». Le sarcophage de ses restes se trouve à
Saint-Maximin où il a été retrouvé au
XIIIème siècle. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307386/f589.item http://saintebaume.dominicains.com/
Saint Sidoine partit évangéliser la région
au nord d’Orange et s’établit à Saint-Paul-Trois-Châteaux
dont il fut le premier évêque sous le nom de Restitut,
nom qu’il adopta en souvenir de sa guérison ("Restitutus
est ei visus"). Il alla ensuite évangéliser la
ville d’Albe (aujourd’hui Alba-la-Romaine en Ardèche).
Là, il tomba malade et mourut. Ses disciples rapportèrent
son corps à Saint-Paul-Trois-Châteaux, puis l’inhumèrent
dans l’église du bourg voisin « Saint-Restitut
». http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30743s/f252.item http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102546x/f23.item
(← début en bas de la page 24)
C’est ainsi que commença l'évangélisation
de la Gaule, une dizaine d’années après l’Ascension
de Jésus. Ses amis intimes furent les dons privilégiés
du Seigneur à la première née de son Église,
celle qui était prédestinée à devenir
« la Fille Aînée de l'Église ».
3 – Les premiers évêques
missionnaires
De son côté St Pierre (1er pape de
33 à 67) envoya en Gaule les premiers évêques,
accompagnés d’assistants évangélisateurs,
pour initier les Gaules au christianisme. Une tradition parle de
sept premiers évêques mais les auteurs ne sont pas
d’accord sur leurs noms. Toutefois, il est certain que St
Pierre envoya en Gaule des missions successives, où figurèrent
notamment :
-
Austremoine envoyé à Clermont, en Auvergne ;
-
Clément envoyé à Metz ;
-
Crescent, disciple de St Paul, envoyé à Vienne et
Mayence ;
-
Démètre envoyé à Gap ;
-
Euchaire et Valère envoyés à Trèves
;
-
Eutrope ou Ytrope envoyé à Saintes en Saintonge ;
-
Eutrope 1er envoyé à Orange ;
-
Front, un des 72 disciples, envoyé à Périgueux
;
-
Gatien envoyé à Tours ;
-
Georges, un des 72 disciples, envoyé dans le Velay ;
-
Martial, un des 72 disciples, envoyé à Limoges, à
Toulouse et en Aquitaine ;
-
Materne envoyé à Strasbourg ;
-
Memmie ou Menges (Memmius) envoyé à Châlons
en Champagne ;
-
Ruf ou Rufus envoyé à Avignon ;
-
Serge-Paul envoyé à Narbonne avec Aphrodise lequel
devint évêque de Béziers ;
-
Saturnin, un des 72 disciples, envoyé à Toulouse ;
-
Savinien et Potentien envoyés à Sens ;
-
Sévérien envoyé à Mende ;
-
Sixte envoyé à Reims ;
-
Trophime envoyé à Arles ;
-
Ursin (Nathanaël, un des 72 disciples) envoyé à
Bourges. http://www.google.fr/books?id=oMYCAAAAQAAJ&pg=1#PPA26,M1
Après ces premières missions, St Clément (pape
de 88 à 97), troisième successeur de saint Pierre,
missionna d’autres évêques vers la fin du Ier
siècle. Parmi eux, figurent :
-
Auspice envoyé à Apt ;
-
Denis envoyé à Paris ;
-
Exupère ou Spire envoyé à Bayeux ;
-
Julien envoyé au Mans ;
-
Lucien envoyé à Beauvais ;
-
Nicaise envoyé à Rouen ;
-
Rieul envoyé à Arles puis Senlis. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307475/f122.item
A la fin du Ier siècle, les évêques
porteurs de l'évangélisation de la Gaule étaient
donc répartis comme le montre la carte ci-contre.
Evangélisation
du 1er siècle
4 - Tradition d’Aquitaine
Depuis vingt siècles, cette tradition proclame
que saint Martial, l'un des soixante-douze disciples de Jésus-Christ,
fut désigné par saint Pierre pour évangéliser
l'Aquitaine. Cela se passa vers le milieu du Ier siècle.
Saint Martial passa d’abord par Limoges dont il fonda l’Eglise,
comme premier évêque.
Saint Martial était reconnu par plusieurs Eglises, autres
que celle de Limoges, comme « le plus ancien prédicateur
de l'Evangile dans la Gaule Celtique ». Or, saint Irénée
(env.130-202), évêque de Lyon en 177, écrivait
vers la fin du second siècle (190) que « l'Eglise est
répandue par tout l'univers jusqu'aux extrémités
de la terre » et que « la tradition catholique est,
comme le soleil, partout la même : la même dans les
Germanies, dans les Ibéries et chez les Celtes.»
Puisque Martial est antérieur aux autres évangélisateurs
ayant fondé des Eglises en Gaule au cours du second siècle,
cela confirme la Tradition du premier siècle.
Les lecteurs voulant approfondir le sujet peuvent
se reporter aux liens suivants :
« Dissertation sur l’apostolat de St Martial »,
par l’abbé Arbellot, président de la Société
Historique et Archéologique du Limousin :
- Chap.1 et 2 en
extrait, pages 209 à 299, du "Bulletin de la Sté
Archéologique et Historique du Limousin", tome IV, édition
1853 : http://www.google.fr/books?id=rKc8AAAAIAAJ&pg=PA209#PPA209
- Chap. 3, 4, 5
et 6 en extrait, pages 5 à 254, du "Bulletin de la Sté
Archéologique et Historique du Limousin", tome V, édition
1854 : http://www.google.fr/books?id=JZk8AAAAIAAJ&printsec=titlepage#PPA5
5 – Expansion de l’évangélisation
Les premiers évangélisateurs trouvent
en Gaule une race asservie par la conquête, ayant adopté
les vices de l'étranger et ajouté de nouvelles superstitions
aux anciennes. Cela freine l'établissement du christianisme
qui se heurte à l’affaiblissement du caractère
des Gaulois et à la corruption de leurs mœurs mais surtout
à l'intolérance romaine dont les persécutions
légales contre le christianisme en Gaule, comme dans tout
l'empire, vont entraver la prédication chrétienne.
Le christianisme aura donc besoin des trois premiers siècles
pour poser en Gaule ses fondations.
En revanche, un trait particulier des croyances de la race gauloise
va aider les missionnaires de l'Évangile. Les Gaulois, qui
ne craignent pas la mort, vont comprendre la doctrine du sacrifice
qui est l'âme du christianisme. Ils se laisseront pénétrer
par l'esprit de foi et de charité, jusqu’à s'élever
pour certains, sous l'inspiration et l’aide de la grâce,
à l'héroïsme du martyre. Cette race mettra au
service de la religion les deux grandes qualités que le vieux
Caton admirait en elle : "l'éloquence et la bravoure".
Plus qu'aucun autre peuple, elle défendra l'Église
par la parole et par l'épée.
L'expansion de l'évangélisation
au IIIe siècle, en Gaule et dans tout l'empire Romain, est
représentée ci-contre.
Implanté dès le 1er siècle dans plusieurs régions
de Gaule et notamment dans la vallée du Rhône et en
Aquitaine, le christianisme pénètre d'abord les villes
puis les campagnes, grâce au zèle des évêques
et de leurs assistants. Tout comme le druidisme, la religion chrétienne
est interdite par les Romains et les croyants sont persécutés
car ils refusent d’adorer les dieux romains. Tandis que le
druidisme disparaît, s’accroissent conjointement le
culte rendu aux dieux romains et le christianisme, lequel s’étend
malgré les persécutions.
Les évangélisations des trois premiers siècles
font qu’au début du IVe siècle, le pays possède
de nombreuses églises. C’est le moment où les
persécutions cessent : en avril 313, par l’édit
de Milan, l’empereur Constantin accorde la liberté
de culte puis, en 381, l’empereur Théodose interdit
les sacrifices aux dieux païens et fait du christianisme la
religion d’État.
Au IVe siècle, Saint Martin (317-397), évêque
de Tours et fondateur du monachisme en Occident, s’attaque
aux hauts lieux du paganisme rural et évangélise les
campagnes. Au Ve siècle, l’aristocratie gallo-romaine
s’étant convertie, on peut voir des membres des grandes
familles sénatoriales occuper des fonctions épiscopales.
Vers la fin du Ve siècle, la christianisation sera complète
sur le continent.
Extension du christianisme au cours des siècles.
La
conquête des Francs - Les Mérovingiens
Naissance de la France
Au Ve siècle, une branche de la race germaine, les Francs, vient se
greffer sur ce peuple gallo-romain et va renouveler sa sève
vitale. C'est ainsi que vont naître les fondations de la France dans l'instauration de la monarchie avec le début du règne des Mérovingiens.
Jusqu'à l'arrivée des Francs, la Gaule était partagée entre une multitude de tribus qui ne cessaient de s'en disputer l'hégémonie. C'est avec Clovis (466-511) que commence véritablement l'histoire de France. Il parvient à mater la plupart des chefs locaux et devient roi des Francs, après avoir accru considérablement le territoire du petit royaume des Francs saliens dont il avait hérité à la mort de son père Childéric Ier (440-481). Cette unification d'une grande partie des royaumes francs et des territoires de la Gaule est à la base de la fondation du royaume de France. Clovis était le petit-fils de Mérovée (412-457), lequel donnera son nom à la dynastie des Mérovingiens.
A l'automne 493, Clovis épouse à Soissons Clotilde, une princesse burgonde d'une grande beauté. Elle a été élevée à Lyon dans la culture gallo-romaine et la foi chrétienne. Sa préoccupation première sera de convertir son époux, tant pour des motifs religieux que pour le gain politique qu'elle entrevoit dans ce baptême. Première reine chrétienne, Clotilde a largement contribué à faire de la France « la Fille Aînée de l'Église » et sera canonisée pour ce rôle majeur. Ainsi, à Noël 496, après la miraculeuse victoire de Tolbiac, Clovis se fait baptiser à Reims par saint Rémi, le grand évêque de Reims, devenant ainsi le premier chef barbare catholique. L'événement est marqué par des circonstances imprévues et extraordinaires :
« Soudain, une lumière plus éclatante que le soleil inonde l'église ! Le visage de l'évêque en est irradié ! En même temps retentit une voix : « La paix soit avec vous ! C'est Moi ! N'ayez point peur ! Persévérez en ma dilection ! » Quand la voix eut parlé, ce fut une odeur céleste qui embauma l'atmosphère. Le Roi, la Reine, toute l'assistance épouvantés, se jetèrent aux pieds de Saint Rémi qui les rassura et leur déclara que c'est le propre de Dieu d'étonner au commencement de ses visites et de réjouir à la fin. Puis, soudainement illuminé d'une vision d'avenir, s'adressant directement à Clovis, chef du nouveau Peuple de Dieu, il lui tint le langage - identique quant au sens - de Moïse à l'ancien Peuple de Dieu : "Apprenez, mon fils, que le Royaume de France est prédestiné par Dieu à la défense de l'Église Romaine qui est la seule véritable Église du Christ. Ce Royaume sera un jour grand entre tous les royaumes. Et il embrassera toutes les limites de l'Empire Romain ! Et il soumettra tous les peuples à son sceptre ! Il durera jusqu’à la fin des temps ! Il sera victorieux et prospère tant qu'il sera fidèle à la foi romaine. Mais il sera rudement châtié toutes les fois qu'il sera infidèle à sa vocation. Vers la fin des temps, un descendant des Rois de France régnera sur tout l'antique Empire Romain. Il sera le plus grand des Rois de France et le dernier de sa race. Après un règne des plus glorieux, il ira à Jérusalem, sur le Mont des Oliviers, déposer sa couronne et son sceptre ; et c'est ainsi que finira le Saint Empire Romain et Chrétien."
Cette prophétie, qui s'est déjà en partie réalisée dans le temps et l'histoire sainte de la France, est fondamentale pour comprendre l'identité des Français. Cette prophétie a habité l'esprit des Français durant de nombreux siècles, elle a été « l'élan de l'identité » des Français. Elle est tout à fait d'actualité. Elle a formé des millions de Français dans le temps ; elle nous forme et nous donne la clé de la compréhension de l'appel particulier du Christ sur la nation "France".
Ce baptême est donc d'une importance capitale pour comprendre l'histoire de notre pays. Pour Rémi, évêque, il est impératif de combattre les fausses doctrines et de procurer en même temps la paix civile en Gaule, après l'effondrement de l'Empire Romain. L'Église, en effet, ne peut se fier aux autres chefs barbares qui occupent le territoire et qui sont adeptes d'une religion dérivée du christianisme et condamnée par l'Église, l'arianisme. D'autre part, l'élite gallo-romaine trouve en Clovis un protecteur tout désigné. Pour Clovis lui-même, l'avantage est triple : l'Église est la seule autorité encore puissante, l'élite gallo-romaine la seule à détenir les richesses et, grâce à ce baptême, il justifie ses futures conquêtes par son devoir de lutte contre les ennemis de la chrétienté. En outre, l'armée de Clovis est la plus importante. Il faut imaginer plus de dix mille hommes vêtus de braies (sorte de pantalon) et d'une large ceinture de cuir, armés de haches (les "francisques") et parfois d'une lance, portant glaives et boucliers à la manière des Romains. Ils sont craints et réputés pour leur bravoure, ne reculant jamais devant l'ennemi. De ce fait, les conquêtes de Clovis sont rapides et faciles. Il chasse les Burgondes à l'est et les Goths dans le Midi et en Aquitaine. À sa mort, il avait recollé les morceaux de l'ancienne « Gaule chevelue », sauf la Bourgogne et la Provence ostrogothique qui échappaient encore à sa domination.
En ce Vème siècle, où on assistait à l'effondrement de l'Empire Romain, cette hérésie que constituait l'arianisme mettait en danger la Révélation de l'Amour de Dieu. En recevant le Baptême catholique, Clovis allait mettre un terme à cette hérésie et donner un nouvel essor à l'annonce de l'Évangile en fidélité à l'Église romaine.
Dans les siècles
à venir, la France déploiera une énergie sans
pareille dans les combats de la vérité contre l'erreur
et méritera d'être appelée le soldat de la Providence. C'est ainsi que vinrent les grandes époques de l'évangélisation. De grands ordres religieux trouvèrent leur épanouissement en France, les Bénédictins avec Cluny et Cîteaux, les Dominicains, les filles de la Charité avec St Vincent de Paul et tant d'autres. On appelait la France "Le jardin de l'Eglise", "le Royaume de Marie", "Les bâtisseurs de Cathédrales". La France était la référence du droit civil et religieux, "Le pays où se cuit le pain de l'Occident" disait-on. A maintes reprises la France défendit le Siège de Pierre, c'est-à-dire la Papauté. La France est le pays qui donna le plus de saints à l'Église. De nombreux pays dans le monde ont reçu l'Évangile par des Français, en Afrique, en Amérique, au Moyen-Orient, en Asie. Au début du XXème siècle, et ceci malgré les persécutions dont furent l'objet les catholiques, les trois-quarts des missionnaires du monde étaient "les Fils et les Filles de la Fille Ainée de l'Eglise", "le Noble Pays de France", comme le nommait Sainte Jeanne d'Arc.